Pigeon « Le Gambetta » peint par C. Ducoin vers 1890. Le tableau est accompagné d’une inscription manuscrite qui apparait dans l’angle supérieur gauche : « 1870 – C’est le 7 octobre que partait de la place Saint-Pierre, à Montmartre, le Ballon « L’Armand-Barbès » emportant MM. Gambetta et Spuller. Ce n’est que le 9 octobre à deux heures du soir que le pigeon « Le Gambetta » représenté ici rentrait dans mon colombier rapportant des nouvelles des voyageurs. Hommage à M. Spuller. Ministre des affaires Étrangères. 31 Xbre 1890. Ed. Cassiers » Édouard Cassiers est un colombophile, Président du Club L’Espérance, il fournit plusieurs pigeons pendant le siège de Paris. Il est l’un des organisateurs de la correspondance par pigeon pendant le siège. Son colombier est installé dans son appartement situé 92 Boulevard du Montparnasse à Paris. © Paris, musée de l’Armée
Paris assiégé : mon laisser-passer ? Tiens le v’là ? Assiette en faïence fine décorée par Jules Renard, dit Draner (1833-1926), vers 1871. Cette assiette produite par la faïencerie de Creil-Montereau évoque le rôle de l’aérostation dans le conflit franco-allemand de 1870-1871 et son importance pour les communications. Lors du Siège de Paris, qui débute le 20 septembre 1870, toutes les communications sont interrompues avec le reste du pays. L’idée de placer des pigeons dans la nacelle des ballons est due à un colombophile belge, Louis Van Roosebeke. Quant au photographe Nadar (1820-1910), il fonde la Compagnie des aérostiers militaires, permettant le transport de passagers et de pigeons voyageurs dans des corbeilles, en ballon. Peu de pigeons réussissent à revenir en raison du froid intense et du manque d’entraînement. Lorsque Gambetta quitte Paris à bord du ballon l’Armand Barbès, le 7 octobre 1870, un des pigeons emportés avec lui regagne son colombier deux jours plus tard, apportant des nouvelles des voyageurs. © Paris, musée de l’Armée, Dist. RMN-GP / Émilie Cambier RMN
Les Pigeons voyageurs, 1914-1918, photographie anonyme. © Paris, musée de l’Armée, Dist. RMN-GP
Pigeonnier mobile de l’armée, 1918, photographie de Camille-Albert Le Play (1875-1964). Les premiers colombiers mobiles apparaissent au milieu de l’année 1915. Ils sont nés de la transformation de bus à impériale. Parmi les plus répandus, l’araba-colombier, voiture à traction hippomobile, permettait de transporter de quarante à soixante pigeons. En novembre 1918, plus de 350 colombiers mobiles équipaient l’armée française. © Paris, musée de l’Armée
Le pigeon
Messagers depuis l’Antiquité
Les pigeons voyageurs sont utilisés dès l’Antiquité pour transmettre des messages tels que l’annonce du vainqueur des Jeux Olympiques. Ils sont aussi utilisés dans la cadre des réseaux commerciaux et Jules César s’en sert pour transmettre des informations sur les mouvements des troupes ennemies. Cette pratique perdure pendant les croisades et plus tard encore lors de sièges.
C’est au XIXe siècle que la colombophilie de loisir prend un réel essor. En 1870, 800 pigeons voyageurs sont réunis en France, au Muséum national d’Histoire naturelle. Ils deviennent le seul moyen de communication entre Paris assiégé et l’extérieur lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871 et du siège de Paris. Les volatiles sortis de la ville en ballon rapportent les messages de l’extérieur. Mais leur utilisation n’empêche pas la désinformation, puisque les Prussiens chargent les pigeons qu’ils interceptent, de fausses nouvelles.
Lors de la Première Guerre mondiale, l’enlisement des troupes à la fin de l’année 1914 et la mise en place de la guerre de position donnent une importance stratégique aux moyens de communication. Capables de revenir à leur colombier dans des conditions parfois difficiles (gaz, bombardements), les pigeons voyageurs permettent de délivrer les messages lorsque les moyens de transmissions – liaisons téléphoniques par exemple – sont interrompus.
Des pigeons sont également utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle plus de 16 500 d’entre eux sont parachutés en France pour renseigner Londres. En Indochine, ils permettent les liaisons entre les petits postes situés dans la jungle et le commandement.
Des colombogrammes miniaturisés
Avant 1840, les messages transportés par les pigeons sont simplement attachés au plumage de la queue au moyen d’une ficelle. Diverses méthodes de fixation des messages sont testées avant la généralisation, à la veille du premier conflit mondial, de petits tubes en aluminium ou en caoutchouc, fixés sur une patte des oiseaux avec des bagues. D’abord manuscrits sur des petits morceaux de papier, les messages sont ensuite photographiés. La mise au point de la microphotographie permet ensuite de multiplier les messages dont le contenu est projeté sur des écrans grâce à une lanterne.
Les colombiers militaires
Après le conflit franco-allemand de 1870-1871, la création d’un service de colombophilie est prévue dans la section de télégraphie militaire de l’armée de génie. La colombophilie militaire est issue d’une longue collaboration entre militaires et civils. En 1877, la loi du 3 juillet prévoit la réquisition des pigeons, au même titre que celle des chevaux et des mulets et, en 1885, le décret du 15 septembre réglemente le recensement des pigeons « civils » ainsi que leur mise à disposition en cas de conflit. Huit colombiers militaires sont créés en 1888 à Paris, Vincennes, Perpignan, Marseille, Belfort, Lille, Toul et Verdun. La colombophilie et l’utilisation des pigeons voyageurs fait l’objet de la loi du 22 juillet 1896 mais il faut attendre 1919 pour qu’une Fédération nationale soit créée et l’instruction ministérielle du 28 juin 1926 pour que l’organisation de la colombophilie militaire soit définie.
Vers 1895, le 24e bataillon du 5e régiment du Génie qui réunit les personnels colombophiles et télégraphistes militaires, prend garnison au Mont-Valérien, puis passe au 8e régiment de génie, en 1912. Aujourd’hui, le colombier du 8e régiment de transmissions de Suresnes, situé au fort du Mont Valérien, est le dernier colombier militaire de l’armée française.
Mémoire des héros de guerre
Le courage des volatiles pendant les deux guerres mondiales est reconnu. Ainsi le pigeon nommé Cher Ami est décoré de la Croix de Guerre américaine pour avoir sauvé le Lost Battalion de la 77e division d’Infanterie américaine en 1918, lors de la bataille de l’Argonne. Quant à Vaillant, c’est au cours de la bataille de Verdun qu’il s’illustre pour sauver le commandant Raynal, en position difficile dans le fort de Vaux. Le volatile a obtenu le diplôme de la bague d’honneur et une citation à l’ordre de la Nation. Cher Ami et Vaillant ont tous deux été empaillés et se trouvent aujourd’hui respectivement à la Smithsonian Institution de Washington et au musée des transmissions au fort du Mont Valérien. En outre, un monument à la mémoire des « 20 000 pigeons morts pour la patrie » et « aux colombophiles fusillés par l’ennemi pour avoir détenu des pigeons voyageurs » a été érigé en 1936 à Lille. Après la Seconde Guerre mondiale, 46 pigeons sont décorés de la médaille Dickins.
Pour en savoir plus : Florence Calvet, Jean-Paul Demonchaux, Régis Lamand et Gilles Bornert, « Une brève histoire de la colombophilie », Revue historique des armées, 248, 2007, 93-105. Grand quartier général des armées du Nord et du Nord-est. État-major général, Organisation du service des pigeons voyageurs aux armées… 10 février 1917, Paris, Impr. nationale, 1917.
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