En écho à l’exposition Chevaliers et Bombardes. D’Azincourt à Marignan, 1415-1515, un cycle de 5 concerts est proposé aux visiteurs du musée de l’Armée du 3 novembre 2015 au 17 janvier 2016, invitant à explorer la Renaissance, un moment fondateur de l’histoire de la musique.
En ouverture de ce cycle, c’est un concert singulier qui sera donné, le mardi 3 novembre, en la cathédrale Saint-Louis par l’ensemble Sequenza 9.3 et le violoncelliste Henri Demarquette qui a pu répondre à nos questions et nous livrer ses impressions en avant-première :
Dans quel contexte le projet Vocello a-t-il été conçu ?
Vocello s’appuie sur l’idée que j’ai eue d’associer depuis plusieurs années le violoncelle à la voix humaine. C’est en effet l’instrument qui est le plus proche de la voix humaine, et initié depuis mon enfance au chant choral, c’est très naturellement que cette association s’est faite dans mon esprit. Cela fait maintenant deux ans que ce projet a pris corps avec l’ensemble Sequenza 9.3 dirigé par Catherine Simonpietri, depuis notre premier concert en juillet 2013. Peu d’œuvres existent pour violoncelle et chœur, et à notre initiative, une dizaine d’œuvres ont déjà été créées pour ce nouveau répertoire par des compositeurs comme Philippe Hersant, Arvo Pärt, … Et un fonds de dotation a été spécialement mis en place pour pouvoir financer la commande de nouvelles œuvres.
Vous avez préparé un programme original pour notre concert du 3 novembre prochain, où musique ancienne et musique de notre temps sont juxtaposées. Pourquoi ce choix ?
Toutes les musiques d’aujourd’hui plongent leurs racines dans des musiques plus anciennes, et de fortes résonnances d’un répertoire passé y subsistent. Plus la musique est récente, plus elle plonge ses racines loin. Et puis la musique baroque m’a toujours plu. Le concert du 3 novembre se construit donc sur ce lien entre passé et présent, et nous avons préparé des enchaînements directs, sans transition, entre musique ancienne et moderne. Et cela génère une nouvelle manière de concevoir la musique. C’est très intéressant pour les chanteurs d’avoir un instrument inhabituel comme accompagnant, et pour le violoncelle, la puissance et la variation des timbres de la voix sont telles que l’on perçoit différemment l’œuvre que l’on interprète. Et accompagner la voix humaine provoque une nouvelle recherche sonore et m’a poussé à découvrir de nouveaux sons dans mon instrument.
Et diriez-vous que Vocello a changé votre perception des possibilités de votre instrument, de par cette dimension concertante ? Notamment en termes de style et d’interprétation ?
Non, je ne dirais pas cela. Le changement de perception de mon instrument est permanent, il vient de l’écoute. Ce qui est intéressant, c’est la variation musicale que les œuvres créent, et avec Vocello je trouve une grande richesse dans la musique des mots, dans la diversité de l’inspiration chez les compositeurs, et dans l’extrême naturel de la voix humaine.
Votre rapport à la musique ancienne a-t-il lui aussi évolué ?
C’est une musique à laquelle je n’ai théoriquement pas accès avec mon instrument, c’est le changement principal ! Ce sont des transcriptions et des arrangements qui me permettent de toucher et de jouer moi-même une musique qui me plaît tant. Le violoncelle, instrument dont la tessiture et la longueur des notes sont les plus proches de la voix humaine, me permet aussi d’entretenir une grande proximité avec cette musique portée par le chant.
Est-il très différent d’être soliste d’un orchestre et d’être partenaire d’un effectif vocal au sein duquel le violoncelle est concertant ?
C’est essentiellement le résultat sonore qui est très différent, car la musique des chanteurs a un phrasé beaucoup plus souple que la musique instrumentale. Au début j’étais même perdu, et puis l’oreille s’adapte à cette nouveauté sonore.
C’est la 3e fois que vous vous produisez dans notre saison, quelle perception avez-vous des lieux ?
Le lieu est porteur de certaines émotions et d’une histoire riche, mais en tant que musicien, je ne fais pas de différence avec des lieux que l’on pourrait décrire comme plus neutres. Le lieu n’empêche pas de faire la même musique, car la musique est une bulle qui a sa propre cohérence. Il y a quelque chose de très naturel dans l’adaptation de l’instrumentiste et du chanteur au lieu. La cathédrale Saint-Louis est très majestueuse, elle porte une grande histoire, et on imagine que cela va très bien sonner. Et l’acoustique réverbérante est très intéressante pour le programme du 3 novembre, elle est très adaptée à notre formation.
Quelques mots sur le programme plus précisément ? Pouvez-vous nous parler de The Battle of Agincourt d’Olivier Greif ?
C’était un ami très proche, vraiment un grand compositeur du 20e siècle, qui a laissé une forte impression sur ses auditeurs, je dirais même une émotion palpable. Il avait la plus grande culture musicale et humaniste qu’on puisse imagine, et ses œuvres produisent toujours un très grand choc à l’écoute. Il écrivait sa musique sans appartenir à aucun courant ou chapelle musicale. Sa personnalité mystique a nourri et connoté son œuvre de manière très individuelle. The Battle of Agincourt est une personnification de la bataille, développée à travers une lutte entre deux instruments, pénétrante et intense.
Et en conclusion, que diriez-vous à ceux qui n’ont pas encore réservé leurs places pour le 3 novembre prochain ?
Il y a beaucoup de raisons de venir ! Il faut noter la présence de Raphaël Pidoux, un collègue et un ami, avec qui je suis très heureux de partager ce concert. Il jouera en plus avec le chœur l’une des œuvres commandées par le fonds de dotation, Pie Jesu de Mulsant. Je suis ravi que ce répertoire nouveau puisse être repris par d’autres violoncellistes, pour une large diffusion de ce répertoire. Et c’est aussi la présence du canadien Robert Ingari qu’il faut souligner, qui œuvre aussi à la diffusion du répertoire que nous créons. Vocello est basé et porté sur l’échange, et ce concert le traduit parfaitement.
Enfin, je tiens à souligner qu’il s’agit d’un concert unique, car ce programme, spécialement conçu pour le musée de l’Armée, ne sera pas donné ailleurs. L’unité du programme entre œuvres anciennes et contemporaines est remarquable, rien n’est artificiel. Et si la musique contemporaine peut faire peur, il ne faut pas s’y arrêter, quand elle est portée par les voix et le violoncelle, tout devient naturel, et cela sera le cas le 3 novembre prochain !
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