La Marseillaise illustrée
Ary Scheffer (1795-1858) peint en 1825 un tableau intitulé La Marseilleise – orthographié comme sur la gravure –, bien avant les deux représentations les plus célèbres et les plus reproduites sur ce thème : Le Départ des Volontaires sculpté entre 1833 et 1836, sur l’Arc de Triomphe de l’Étoile par François Rude et le tableau Rouget de Lisle chantant La Marseillaise d’Isidore Pils de 1849. La toile d’Ary Scheffer a disparu ; on la connait notamment par la gravure présentée ci-dessus, réalisée par Leroux en 1835.
Une foule enthousiaste sort par une porte perçant un mur épais comme celui d’une enceinte, visiblement ancien et délabré. Ce sont les volontaires de 1792, vêtus dans le goût romantique. Les vêtements clairs d’un jeune homme, bras et jambes écartés, attirent le regard. Sa tête, son bras gauche tendu sont encore tournés vers sa femme et ses enfants, également habillés en blanc. Mais son fusil équipé d’une baïonnette désigne le chemin où sont engagés des soldats rangés en bataillon et marchant en cadence. Sa jambe droite est parallèle à celles d’un vieil homme et d’un soldat, cheveux au vent. Tous trois prennent le rythme de la marche militaire. Le soldat de dos brandit son chapeau, décoré d’une cocarde, et une épée. Peut-être chante-t-il La Marseillaise à tue-tête. Sa position répond à celle du combattant qui porte le drapeau tricolore dont la pique acérée annonce la violence des combats. La fraternité est également mise à l’honneur par le geste d’un jeune homme, captivé par le flottement du drapeau, qui enlace un compagnon encore tourné vers ses proches, mais résolument armé d’un sabre. Au premier plan, dans l’ombre, un couple s’embrasse ; le fusil du soldat est momentanément posé contre le mur.
Cette représentation de La Marseillaise correspond à la conception que l’historien Jules Michelet (1798-1874) énonce dans son Histoire de la Révolution française, parue de 1847 à 1853 : « Ce ne fut pas comme on l’a dit dans un repas de famille que fut trouvé le chant sacré. Ce fut dans une foule émue ». Le musée Carnavalet conserve une estampe en couleur reprenant le tableau de Scheffer, datée de 1830 et réalisée par les frères Gihaut. Intitulée Allons !, elle est dominée par des couleurs bleues et rouges et présente une composition en sens inverse de notre gravure.
L’estampe ci-dessus est contemporaine de la révolution de 1830 et des Trois Glorieuses, les 27, 28 et 29 juillet, qui permettent à Louis Philippe de prendre le pouvoir et d’instaurer la Monarchie de Juillet. C’est également en 1830 que le peintre Eugène Delacroix réalise la célèbre Liberté guidant le peuple. L’allégorie de la Liberté brandissant le drapeau tricolore et franchissant les barricades a sans doute influencé le Génie de la Guerre que Rude sculpte sur l’arc de triomphe, peu de temps après. C’est aussi en juillet 1830 qu’Hector Berlioz élabore une nouvelle orchestration de La Marseillaise et la dédie à Rouget de Lisle qui vit alors à Choisy-le-Roi. Dans une lettre datée du 20 décembre 1830, ce dernier propose au compositeur de le rencontrer et même de travailler avec lui. Le 29 décembre, Berlioz lui répond : « Monsieur, Je reçois votre lettre à l’instant et je pars dans quelques heures. Je suis forcé de faire un voyage en Italie pour ne pas perdre la pension qui est attachée au grand prix de l’Institut ; je serai donc privé jusqu’à mon retour de l’honneur de vous voir. Je suis bien peiné de cette circonstance fâcheuse ; un de mes rêves d’enthousiasme a toujours été de connaître personnellement l’auteur de La Marseillaise et l’occasion qu’il veut bien m’en offrir lui-même serait saisie par moi avec le plus vif empressement sans ce fatal voyage […]. » Cette rencontre n’a finalement pas lieu.
Ecoutez la version intégrale harmonisée par Berlioz (10:50)
Ecoutez un extrait (02:54)
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