A l’occasion du 70e anniversaire de la Libération de Paris, le 25 août 1944 et de la sortie de son ouvrage autobiographique « Toujours Français libre ! »¹, nous avons rencontré le colonel Fred MOORE, compagnon de la Libération et dernier chancelier de l’Ordre de la Libération.
Mon colonel, vous racontez dans votre ouvrage, votre campagne de la Libération de France et plus particulièrement la libération de Paris, quel fut votre sentiment à l’époque face à cette liesse populaire ?
Face à la liesse populaire, vous savez, à la vérité, on ne s’y est pas tellement arrêté. Moi la première fois que j’ai rencontré la liesse avec mon peloton c’est à la porte d’Orléans. Il n’y avait pas un allemand, mais beaucoup de femmes et de jeunes filles et peu d’homme à vrai dire. Je voulais m’arrêter de toute façon, mais j’étais bel et bien obligé pour pouvoir me frayer un chemin au travers de la foule et l’écarter. Dans certains cas les femmes montaient et escaladaient nos véhicules. Moi je voulais surtout m’arrêter pour réquisitionner un civil, car même si je connaissais le trajet entre la porte d’Orléans et la Tour Eiffel, je ne savais pas ou pouvait se trouver les booby traps (pièges) possible et tous les endroits où il y aurait des mitrailleuses camouflées. Je n’ai pas eu et n’avais pas le temps d’y prendre part à cette liesse car on avait une mission. De cette journée du 25 août 1944, j’ai surtout gardé le souvenir d’être énervé, pourtant je suis d’un naturel calme. Mais j’étais énervé par le commandant du sous groupement, qui ne nous avait pas transmis les instructions car il ne voulait pas de liaisons radio et en plus du matériel il m’avait pris mon adjoint, le meilleur qui soit, Paul WILLING² . Et après cette journée je ne suis pas resté sur Paris nous avons poursuivi notre route.
Mon Colonel, quel est votre sentiment et comment voyez-vous l’avenir, au sujet de la transmission de la mémoire, du souvenir et en accueillant notamment des classes d’école ?
Aujourd’hui il ne reste que 19 compagnons et seulement 6 étaient présent lors de la cérémonie du 18 juin dernier au Mont-Valérien. Mais vous savez, le général de Gaulle avait déjà prévu le cas de figure où il n’y aurait plus de compagnon de la Libération. C’est pour cela qu’aujourd’hui nous formons le Conseil national des communes « compagnon de la Libération » avec Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l’Ile de Sein. Ces communes le sont au même titre qu’un régiment ou que les 19 compagnons restants, car chez les compagnons il n’y a pas de grade.
Par ailleurs pour la question de la transmission du souvenir, je l’ai eu très rapidement et cela fait 15 ans que je fais des visites avec les élèves de 3e et de 1ère. Tout a commencé lorsque j’ai reçu l’appel d’un professeur d’Alençon (département de l’Orne, Normandie) qui m’a dit :
« Mon Colonel, je ne vous connais pas, mais après avoir contacté la Fondation de la France Libre et la Fondation Leclerc (association maison des anciens de la 2e D.B.) on m’a dit de vous contacter car personne n’a une meilleure mémoire, parait-il, que vous, et une bonne vue des événements de l’époque et je souhaite avoir un ancien de la France Libre ou de la 2e D.B. pour témoigner dans ma classe à Alençon. »
Et c’est ce que je fais depuis ou j’ai retrouvé d’autres anciens de la 2e D.B. Et, parole d’honneur d’officier, je vais à chaque fois témoigner sans aucune note, ni carnet. C’est vrai que j’ai une mémoire extraordinaire qui aujourd’hui, à 94 ans passés, me permet de témoigner sans trou de mémoire, ou peu, mais très vite corrigé. Et j’accompagne mon témoignage d’un album, aujourd’hui bien usé, ou j’ai tout noté ; je suis sans doute le seul à en avoir un de cette nature en tant que chef de peloton. Il retrace l’histoire de mon peloton tout au long de la guerre et j’y ai d’ailleurs, à l’époque, tout de suite marqué ce qui me semblait important.
Mon Colonel, le musée de l’Ordre de la Libération, qui est actuellement en travaux, doit rouvrir ses portes dans moins d’un an. Que pouvez-vous nous dire sur le futur musée ?
Les travaux de rénovation avancent et ça ne chôme pas. Le musée sera inauguré le 18 juin 2015, pour l’anniversaire de l’appel du général de Gaulle, le 18 juin 1940. Concernant le musée en lui-même, je laisse d’ailleurs Vladimir TROUPLIN (conservateur du musée) et son équipe s’en occuper et ils le font bien. Mais je peux vous dire qu’il sera agrandi avec une nouvelle scénographie, bien évidemment, mais également une salle d’exposition temporaire, une salle de projection, une salle pédagogique et un espace dédié aux chercheurs et historiens pour des consultations sur place.
Rendez-vous en juin 2015 pour la réouverture du musée de l’Ordre de la Libération.
Découvrez le parcours du colonel Fred MOORE au cours de la Seconde Guerre mondiale dans son ouvrage intitulé « Toujours Français libre ! » en vente à la boutique du musée et dans toutes les librairies. Et découvrez également sur notre page Facebook le Quizz Paris Libéré !
¹Toujours français libre !, Fred MOORE, essai broché, Ed. Elytis, Bordeaux, mai 2014, 254p
²Episode à découvrir dans le chapitre Foncer sur Paris dans son ouvrage « Toujours français libre ! » Paul Willing fut après la guerre conservateur au musée de l’Armée
Propos recueillis par Régis GUEGAN, webmaster/community manager du musée de l'Armée
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