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20 - 09 - 2017

Animaux & guerres, épisode 11 : Le chat

Treat’em Rough! Join the Tanks, affiche américaine de recrutement réalisée par August Hutaf (1879-1942) © Paris, musée de l’Armée, Dist. RMN-GP / image musée de l’Armée

Sur cette affiche de recrutement aucun être humain n’est visible. Enjambant les tranchées et les barbelés du no man’s land, des chars britanniques, de type Mark, tirent dans toutes les directions. Sur un fond de flammes infernales se détache un chat. Oreilles baissées, griffes sorties et poils hérissés sont des éléments classiques des félidés en colère. La double paire de canines, les yeux jaunes feu, dont l’iris semble fixer le spectateur, les griffes jaunes également, dont le haut est rouge comme les flammes, viennent renforcer l’aspect sauvage de l’animal. Le chat noir est perçu, dans plusieurs cultures, comme un animal inquiétant, maléfique et porteur du mauvais sort : il est associé à la sorcellerie, voire au diable lui-même. Ici, en revanche, il symbolise le courage, l’indépendance et la liberté.  Le corps américain des Tanks a d’ailleurs choisi ce chat noir comme mascotte.

La mascotte Miss Vixen à bord du navire de l’armée américaine USS Vixen, vers 1890-1901. © Washington, Library of Congress

Zouave de la Garde impériale en tenue de campagne, lithographie de Jules Renard dit Draner (1833-1926), tirée de la série Types militaires de 1863. © Paris, musée de l’Armée

Le chat

Torches vivantes

Dès l’Antiquité, des machines de guerre, souvent désignées par des noms d’animaux – cheval, chat, rat, taupe, hérisson –, sont utilisées pour envoyer sur l’adversaire toutes sortes de projectiles, parfois même des animaux vivants ou leurs cadavres en putréfaction, susceptibles de transmettre des maladies. Des bœufs, des porcs, des chiens, des rats, des chats sont aussi utilisés comme torches vivantes. On attache sur une partie de leur corps des matières incendiaires, puis les animaux, épouvantés et subissant d’atroces douleurs, tentent de s’enfuir et cherchent à se réfugier dans un endroit qui leur est familier. Cette pratique est encore évoquée pendant la guerre d’Indochine (1946-1954), par exemple par Paul Bonnecarrère dans son livre Par le sang versé : « Nous pensions à quelques bombes de fabrication locale, quand, avec stupéfaction, nous nous aperçûmes que c’était un chat vivant qui venait de retomber sur ses pattes. À sa queue était attachée une mèche d’amadou. Brusquement, l’animal s’enflamma comme une torche et se mit à courir en hurlant. Il fut suivi par cinq, puis dix, puis finalement une centaine de chats fous qui s’embrasaient […] ».

Dans les conflits contemporains, les matières incendiaires sont parfois remplacées par une mine magnétique fixée sur l’animal. La Suède a ainsi utilisé des phoques contre les sous-marins allemands, et les Soviétiques ont envoyé des chiens pour détruire des chars allemands lors de la Seconde Guerre mondiale…

À l’assaut des rongeurs

L’embarquement de chats à bord des bateaux d’explorateurs, des navires de commerce et des flottes de guerre a commencé peu de temps après la domestication de cet animal, il y a environ 8000 ans. Sa tâche principale était d’exterminer les rongeurs qui s’attaquent aux cordages et autres matériaux composant le navire, ou qui dévoraient la nourriture et la contaminaient par leurs excréments, transmettant aux hommes des maladies redoutables comme la leptospirose. Le « chat de navire » devient très vite également une mascotte, un animal de compagnie qui distrait et apaise les tensions dans l’équipage. Il est longtemps considéré comme un membre d’équipage dont le nom figure dans le registre du bateau, avant que la marine britannique n’interdise sa présence à bord en 1975.

De nombreuses photographies de la Première Guerre mondiale montrent des félidés dans les tranchées. Les animaux quittent les villages bombardés à la recherche de nourriture qu’ils trouvent dans les tranchées envahies par les rongeurs. Les combattants s’attachent aux chats et autres animaux qui sollicitent des caresses ou de la nourriture. Comme sur les navires, ils deviennent les mascottes d’un groupe, bien que l’armée s’y oppose dans un premier temps… Ils sont aussi utilisés sur le front pour détecter les gaz toxiques.

En hommage

En 1943, le Royaume-Uni a créé la Médaille Dickin pour récompenser les animaux ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Parmi les 54 médaillés, on compte beaucoup de chiens et de pigeons voyageurs, mais aussi un chat, Simon, représenté par le sculpteur David Backhouse, sur le monument Animals in War, inauguré en 2004 dans Park Lane, à Londres.

Aujourd’hui encore ?

D’après un article de Fanny Arlandis paru dans Le Monde en 2014, « des organisations terroristes recourent aujourd’hui à ces mascottes des sociétés occidentales pour tenter de propager une image positive sur les réseaux sociaux. Pourquoi le chat ? […] Sans doute en partie parce que cet animal, longtemps jugé trop indépendant, trop infidèle, trop vagabond, est devenu depuis le milieu du XXe siècle – alors qu’émergent les valeurs individualistes – l’un des compagnons vedettes des sociétés occidentales. »

Pour en savoir plus :  Éric Baratay, Bêtes des tranchées, des vécus oubliés, Paris, CNRS Éditions, 2013 ; Damien Baldin, Histoire des animaux domestiques, XIXe-XXe siècles : https://rh19.revues.org/5053 et l’article paru dans Le Mondehttp://www.lemonde.fr/arts/article/2014/11/07/chats-de-guerre_4520160_1655012.html#Z98Dx3usSoDBCrHG.99.

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