15 avril… Dans ce petit carnet, Joseph Blanchot, résistant français déporté en 1944, raconte ses derniers jours de déportation. Des notes écrites au jour le jour, un poème, des noms font le récit de cette période, symbolisée sur la couverture par une silhouette de V2 accompagnée de la mention « Dora 1944 – 45 ».
« Ravensbrück 15 avril : Mon tout petit je n’ai pu te souhaiter ton anniversaire le 12. J’étais en pleine horreur. Je viens de vivre 8 jours épouvantables dont j’ai failli en mourir et comme en sont morts beaucoup de mes camarades.
J’ai beaucoup pensé à toi dont je ne sais toujours rien mais mon espoir de te revoir n’est pas mort et c’est surtout pour cela que j’ai lutté car il a fallu lutter dans ce train nous emportant vers l’inconnu. 135 dans un wagon fermé.
Très peu d’air. Pas à manger. Rarement à boire. Un enfer. Tout le monde se battait pour avoir une place ou ne pas étouffer. Les Allemands, les Polonais, les Russes, les Tchèques tapant à tour de bras sur les Français à leur portée. Assassinat en série. 35 morts dans un wagon dont 4 bons camarades. 1 ou 2 jours de voyage de plus et moi aussi je disais adieu à la vie et à ceux que j’aime.
Il y a des moments où meurtri, fatigué, j’ai souhaité mourir à mon tour pour ne plus souffrir et puis je pensais à vous, je voulais vivre encore et je reprenais la lutte. Je pense qu’ici nous ne serons pas trop mal pour attendre la fin. Je ne sais pas ce que l’on va faire de nous. Mais je suis vivant. Je t’aime de toutes mes pauvres forces ».
Dépendant à l’origine du camp de Buchenwald, le camp de concentration de Dora-Mittelbau devient autonome en octobre 1944. Il est notamment connu pour avoir abrité l’usine souterraine d’assemblage des « armes de représailles » (fusées V1 et V2) de janvier 1944 à la fin de la guerre. Sur les 60 000 prisonniers qui y sont internés, plus de 20 000 y trouvent la mort. Environ 200 d’entre eux sont pendus pour sabotage.
Le camp de Ravensbrück, vers lequel Joseph Blanchot raconte son transfert dans l’extrait ci-dessus, était à l’origine réservé aux femmes et aux enfants. On estime à plus de 130 000 le nombre de déporté(e)s à Ravensbrück, dont environ 90 000 sont exterminé(e)s. Des hommes y sont internés dès 1941 mais dans un camp annexe. Le camp de Malchow, où se trouvait Joseph Blanchot lors de sa libération, est en effet une dépendance du camp de Ravensbrück.
Il délivrait de fausses cartes d’identité à certains ouvriers désignés pour le Service de Travail Obligatoire
Né en 1912 à Batz-sur-Mer, Joseph Blanchot participe à la campagne de France en tant que second maître à l’escadrille de torpillage T2 (Latécoère 298).
Suite au repli de cette dernière sur la base aéronavale de Bizerte Karouba (Tunisie), il est démobilisé le 30 août 1940 et rapatrié en France métropolitaine. Il devient alors chef de service aux Messageries Hachette, poste qu’il occupe jusqu’en janvier 1943. Il adhère dans le même temps au mouvement Armée des Volontaires comme agent P1 sous le pseudonyme Georges ou l’Aviateur. À cette occasion, il participe à des opérations de sabotage sur le chantier de construction du terrain d’aviation de Cormeilles-en-Vexin, où il travaille comme terrassier (destruction de matériels de construction, de grues de déchargement), et délivre de fausses cartes d’identité à certains ouvriers désignés pour le Service de Travail Obligatoire.
Le 5 novembre 1943, il est arrêté puis interné rue Bassano, au Cherche-Midi et à Compiègne avant d’être déporté le 24 janvier 1944 à Buchenwald. Il est transféré au camp de Dora le 17 février, où il prend part à des actions de sabotage sur les lignes de production de fusées V1 et V2. En avril 1945, il est transféré à Ravensbrück et intègre le camp de Malchow, libéré par les Russes le 2 mai 1945.
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